lundi 11 février 2013

Céline Dion, star en or massif : un modèle à suivre pour les artistes français ?


ATLANTICO:

Céline Dion a vendu plus de 220 millions de disques à travers le monde. Vendredi, la chanteuse québécoise faisait partie de la liste des nominés dans la catégorie "meilleure artiste féminine" des 28e Victoires de la musique.


Atlantico : Le succès de Céline Dion, qui a vendu plus de 220 millions de disques à travers le monde, s'inscrit dans le temps. Quel est son secret ?

Jacques Séguéla : Sa vie est un peu un conte de Noël. Toute star est un fabricant de story-telling, comme Hollywood l’a inventé. Céline Dion est l’antithèse de Lady-Gaga comme Woody Allen l’a défini : « être là où il faut quand il ne faut pas, et là où il ne faut pas quand il le faut ». C’est une star à l’ancienne, fabrication à la Hollywoodienne et donc qui sait comment durer. En effet, Lady-Gaga qui, elle, a brillé instantanément avec des tubes qui se sont enchaînés. Malheureusement, ce type de carrière éclair laisse sceptique les professionnels qui ne lui promettent d’ailleurs pas une carrière sur la durée.

Les éléments à réunir afin d’obtenir un succès sur le long terme sont nombreux :

Le produit, le talent. Tous ceux qui ont créé Hollywood avaient un vrai talent, un talent affirmé dans leur métier. Celui de la chanteuse est d’avoir une puissance et une personnalité vocale telle que Céline Dion, Frank Sinatra, ou Johnny Hallyday pour la France l’ont. De plus, elle a utilisé toutes les variétés de la musique, a ouvert la gamme de ses fans avec la pop, le classique.

Le positionnement. « Deviens ce que tu es ». Dès le départ, c’est ce qu’a fait la canadienne : elle est la femme (pas la maîtresse), la mère (pas la jet setteuse), la fidélité (pas les coups de cœur). Tout cela est très classique mais porté à son paroxysme, celui assure une continuité dans le succès.


Le look. Il a été créé entre 1986 et 1989, sept ans après son premier titre en 1981. Son look est classique avec un rien de modernité. Ce sera la robe Chanel, pas la Gauthier. Lady Gaga l’a fait avant même de débuter une véritable carrière. Son excentricité est plus susceptible de lasser. On note également que d’une certaine manière, elle n’a pas d’âge. Ne tente ni d’user de stratagème afin de paraître plus jeune, ni de séduire à n’importe quel prix. Elle reste assez lisse, traditionnelle jusque dans son style pour ne pas perdre ses fans.

La chance. Sa victoire pour la Suisse à l’Eurovision en 1988 l’a faite instantanément démarrer dans le milieu de la musique internationale, et cette performance reste à ce jour le dernier succès chanté en français à cet événement. En 1986, elle vend 50000 disques, puis elle signe chez CBS se dirigeant alors vers les professionnels. En 1995, elle vend 10 millions de disques. Une occasion qui ne se serait peut-être pas présentée sans l’Eurovision. Depuis 2002, c’est Las Vegas. Là-bas, on lui offre cinq ans de scènes. Quatre mille personnes par soir, quatre soirs par semaines et ce pendant cinq ans…

Pour durer : parler quand on a quelque chose à vendre. Il faut économiser ses parutions et quand on s’attaque à elle, elle se contente d’ignorer les remarques. Elle prône la modernité. Et elle s’est, certes arrêtée pendant deux ans lors du cancer de son mari et pour être auprès de sa famille, mais elle reste présente avec sa musique et ses produits dérivés tels que son parfum.

Elle est populaire sans être people.

Sa méthode peut-elle servir de modèle aux chanteurs français ?

Il faut que les jeunes restent dans la tradition, l’honnêteté. Seul Johnny Hallyday qui a commencé en étant Madonna et finit en étant Céline Dion déroge à la règle. Une carrière se construit avec le temps. La clientèle se gagne pas à pas. Céline Dion, elle, aura mis sept ans à construire sa carrière. Encore une fois, en France, on veut que la vedette devienne star dans l’année, ainsi on gâche le potentiel de certains d’entre eux qui ont grillés les étapes alors que s’ils avaient pris leur temps, ils auraient sans doute pu durer.

Elle semble avoir totalement assumé le fait de vendre sous le label "Céline Dion" avant tout un "produit musical". Les chanteurs français sont-ils rétifs à ce type d'approche ?

Non, tout artiste créé pour vendre. C’est vrai pour les peintres, les écrivains, les chanteurs. Le mot d’ordre, pas d’hypocrisie. Cela dit tous ne se soumettent pas aux méthodes de marketing. Le grand talent, c’est de les assimiler, de savoir se diversifier, sans jamais que cela n’atteigne leur intégrité.

Devenir une star internationale nécessite-t-il de transiger avec certains principes afin de mieux vendre son image ?

Il s’agit de ne pas jouer un jeu qui n’est pas le sien. Pour vendre son image, nul besoin de mettre de côté ses valeurs. Ne pas en rajouter mais être en cohérence avec soi-même, son époque, être constant même si chaque disque doit évoluer. L’âme, elle, ne doit pas bouger.

La mode depuis maintenant quelques années est aux chanteurs et aux groupes qui chantent en anglais. Phoenix, Daft Punk, David Ghetta sont connus pour leurs albums exclusivement anglophones. Au contraire, d'autres ne chantent qu'en français mais semblent ne pas vraiment décoller sur la scène mondiale. Chanter uniquement en français n'est-il pas un frein pour percer dans le milieu ?

Céline Dion a appris l’anglais quand elle a eu à peu près 20 ans. Un effort que trop d’artistes français rechignent à faire. Ainsi elle a su s’adapter pour toucher un public plus large. Elle a enchaîné un tube en français avec un autre en anglais pour s’installer internationalement. Bien sûr, on peut choisir de ne chanter qu’en français. On peut se limiter à son public au niveau national mais sur la quantité de gens potentiellement fan est largement affaibli. C’est un choix.



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