Dans son livre "Merde à la déprime", le célèbre publicitaire dénonce la morosité ambiante française et fait la liste des nombreux motifs de satisfaction que nous pouvons avoir.
Atlantico : Dans votre dernier livre, Merde à la déprime, vous dénoncez la "sinistrose" ambiante qui touche notre société. Cette morosité générale est elle-elle historique ou seulement contextuelle du fait de la crise ?
Jacques Séguéla : Les deux mon général ! Nous sommes un pays qui a l’esprit de doute et l’esprit jaloux. C’est notre grand défaut : la jalousie ! A cause de notre culture judéo-chrétienne nous avons un malaise avec l’argent. Un chiffre est intéressant à cet égard : à la question « êtes-vous heureux de votre vie ? », il y a 6 mois, 82% des Français répondaient oui. En revanche, quand on leur demande s’ils pensent que leur voisin est heureux de sa vie, ils répondent non à 72%. Nous avons la déprime collective mais le bonheur égoïste ! C’est quelque chose de napoléonien, de sarkozyste même, que nous avons ancré dans nos gênes.
La crise a définitivement amplifié les choses. Cet espèce de malaise, dans des temps heureux, peut se terminer par de l’humour. Or, cette fois-ci, la crise, qui a été financière puis économique et maintenant sociétale, est devenue aujourd’hui une "crise de nerf". Les Français sont à deux doigts de la rupture...
Quel rôle jouent les politiques dans cet état de fait ?
Les politiques ne sont plus audibles. Nous sommes passés du seuil d’impopularité, au seuil d’immobilité, au seuil d’incompatibilité. Nous sommes dans une situation de divorce avec les politiques, de droite comme de gauche. On ne les croit plus, ils nous ont trop menti et ils sont ailleurs incapables de résoudre les problèmes. L’affaire Cahuzac a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Je pense que la situation est désormais irréversible, en tout cas pour de nombreux mois. Les politiques sont comme la plus belle femme du monde, ils ne peuvent pas donner plus que ce qu’ils ont…
Cependant, je trouve qu’il faudrait un peu les laisser tranquilles, même si, j’ai aussi tendance personnellement à les enfoncer. Ce n’est pas en répétant sans cesse "J’ai mal ! J’ai mal !" que l’on va arriver à guérir.
Quelles raisons avons-nous d’être optimistes aujourd’hui en France ?
Notre première force est notre natalité. Nous faisons plus de 820 000 bébés par an, ce qui est phénoménal. En 2030, nous dépasserons l’Allemagne et nous deviendrons le plus grand pays d’Europe, le plus puissant, car ce sont nos enfants notre puissance.
Ensuite, contrairement à ce que l’on peut croire, le Français n’est pas une langue morte. En 2050, notre langue sera parlée par 700 millions à 1 milliard d’individus dans le monde. Ils seront à 80% en Afrique, ce qui fait de ce continent une donnée importante de notre futur.
En ce qui concerne l’économie, il est vrai que des pans entiers s’effondrent comme l’automobile et l’industrie lourde. En revanche, nous pouvons avoir de nombreux motifs de satisfaction. 40% du luxe qui se vend dans le monde est français. Nous sommes également très bien placés dans les domaines de l’énergie, de l’agriculture, du divertissement. Il ne faut pas oublier que Vivendi est le premier marchand de musique au monde. Notre gastronomie est au patrimoine mondial de l’humanité et nous sommes toujours le pays le plus visité au monde. Une anecdote intéressante et symbolique : la Tour Eiffel a été évaluée par les Américains à plus de 430 milliards de dollars. Nous sommes un pays riche ! Il s’agirait de s’en rappeler…
Nous n’arrivons pas à nous auto-congratuler. C’est dans nos gênes. Notre égocentrisme, notre jalousie de l’autre et notre mal-être congénital nous en empêchent. Par exemple, le roi du Bhoutan ne parle pas de Produit National Brut mais plutôt de Bonheur National Brut. C’est même un concept qui a été inscrit dans la constitution du royaume. Son pays est jugé à l’aune de son bonheur et lui sera également jugé à l’aune du bonheur qu’il est capable de donner à ses sujets. Si on faisait cela, je crois que cela changerait tout mais il y a chez nous un problème d’état d’esprit.
Les Français font-ils un complexe par rapport au bonheur ?
Etant donné que nous sommes complexés par l’argent, nous pensons qu’il fait le bonheur. Or, durant le siècle dernier, les Français ont doublé leur pouvoir d’achat mais ils ne sont pas deux fois plus heureux pour autant. Ils sont en fait deux fois plus malheureux ! Il faut chercher le bonheur ailleurs, là où il est. Il va falloir vivre différemment. Le temps de l’argent jeté par les fenêtres est derrière nous. Le temps de la propriété est, je le crois, aussi dernière nous. Notre peuple travaille toute une vie pour pouvoir s’acheter un lopin de terre qu’il va laisser à ces enfants au lieu de penser à jouir de la vie. C’est ce que font les Américains, aujourd’hui tout se loue ! Une perceuse sert en moyenne 20 minutes par an. Qui peut se le permettre de nos jours ?
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