En présence des membres du gouvernement, François Hollande s'adressera aux journalistes, ce jeudi 16 mai, à 16 heures, pour une seconde conférence de presse à l'Élysée au jour du premier anniversaire de son installation. Pour le publicitaire Jacques Séguéla, le chef de l’Etat doit impérativement affirmer sa ligne politique. Entretien.
François Hollande avait donné sa première conférence de presse le 13 novembre, pendant près de deux heures et demie devant quelque 400 journalistes. Sa dernière grande prestation télévisée remonte au 28 mars sur France 2. Il avait alors présenté sa « boîte à outils » pour faire face à la crise et des mesures comme la nouvelle taxe à 75%, la réforme des allocations familiales ou l’allongement de la durée de cotisation pour les retraites.
JOL Press : Le chef de l'État tient ce jeudi sa deuxième conférence de presse, grand-messe très attendue des journalistes. A quoi faut-il s’attendre dans ce climat d’impopularité et de tensions sociales ?
Jacques Séguéla : La conférence de presse est l’exercice médiatique le plus facile. François Hollande avait décidé de faire deux conférences de presse par an, tous les six mois, il respecte son engagement mais il est servi par la facilité de la prestation parce que les journalistes ne peuvent pas relancer le chef de l’Etat, ils n’ont droit qu’à une question. Tous les sujets seront évoqués et le président aura bien préparé les réponses car il sait à peu près à quoi s’attendre.
François Hollande avait été, par ailleurs, très bon, lors de sa précédente conférence de presse. Il peut toujours y avoir des dérapages – on se souvient du « avec Carla, c'est du sérieux » de Nicolas Sarkozy – mais je n’imagine pas François Hollande tomber dans ce genre de déclarations, il s’est beaucoup préparé, Claude Sérillon l’y a bien aidé. François Hollande, comme François Mitterrand, est quelqu’un de très solitaire, il écoute beaucoup de monde, fais des fiches, mais décide seul, devant sa page blanche.
Le grand risque pour lui c’est l’écoute des Français : depuis sa dernière conférence de presse, il est passé de l’impopularité à l’inaudibilité et de l’inaudibilité à l’incompatibilité. C’est pour ça qu’il y a un divorce avec les Français.
JOL Press : Comment va-t-il s’y prendre pour redevenir audible et, par-là, populaire ?
Jacques Séguéla : Je crois que sa stratégie est très simple : il n’a que faire de sa popularité, que faire de ce qu’on peut penser de lui, il va son chemin car il sait que de toute façon il sera rattrapé par l’après-crise. Ce qu’il veut c’est pouvoir dire après la crise : « Je vous avais demandé des efforts, vous les avez fait, ils ont porté leurs fruits et maintenant, tous ensemble, on va inventer une nouvelle France. »
JOL Press : Quelles sont les règles à respecter pour ce genre d’exercice médiatique ?
Jacques Séguéla : La règle des trois C : la Constance, ne pas changer, suivre son cap, les Français seraient perturbés s’il disait qu’il s’est trompé ; la Cohérence avec ce qu’il a toujours dit et sa stratégie ; et la Consistance, bien qu’il n’est jamais vraiment eu l’occasion d’en faire preuve lors de ses précédentes prestations. Il parle de son cap mais personne ne comprend bien où il veut aller. Le redressement, ce n’est pas un cap, c’est une banalité.
Cette conférence de presse peut être l’occasion pour lui d’affirmer un autre socialisme. Sa vision du socialisme n’a rien à voir avec le socialisme de Lionel Jospin ou de Jean-Luc Mélenchon. C’est un socialisme moderne – la social-démocratie – qui frôle le social-libéralime. François Hollande doit faire comprendre aux Français qui il est. En aura-t-il le courage ? Il sait que Jean-Luc Mélenchon sera là, prêt à lancer un cocktail molotov médiatique.
Pour réussir l’exercice, il doit aborder le plus de sujets possibles, avec des réponses assez courtes pour que les journalistes puissent s’exprimer et que tous les sujets soient balayés car de la profusion naît le sentiment d’action et le sentiment de transparence et donc de crédibilité. C’est quelque chose qui n’est pas possible dans un entretien télévisé avec des journalistes.
JOL Press : Qu’est ce qui est le plus difficile ?
Jacques Séguéla : L’exercice le plus difficile et qu’il ne parvient pas à faire – François Mitterrand était le maître en la matière – c’est d’avoir à la fois de la présidentialité et de la proximité. Pour être président, il faut être un peu distant, un rien hautain, mais il faut aussi que les Français se sentent proches de leur président. Nicolas Sarkozy était trop proche, il faut qu’il arrive à trouver le juste milieu pour arriver à faire passer son message. De toute façon, il est au plus bas, personne n’a jamais été si impopulaire, il a donc tout à gagner et rien à perdre.
JOL Press : Comment s’y prendre pour annoncer des réformes aussi impopulaires que la réforme des retraites ou celle des allocations familiales ?
Jacques Séguéla : Le vacarme viendra à la rentrée quand le débat commencera vraiment. Tant que les réformes sont annoncées elles attirent à elles quelques anathèmes mais rien de plus. Je pense même qu’il y aura moins de mobilisation que par le passé sur la réforme des retraites : les Français s’accordent tous à penser que lorsque la durée de vie s’allonge, il faut travailler plus. C’est la réforme lourde et impopulaire qu’il aura le plus de facilité à imposer.
JOL Press : La conférence de presse est-elle plus productive en matière d’image que l’interview télévisée ?
Jacques Séguéla : C’est moins télégénique, moins spectaculaire mais la conférence de presse laisse une grande place aux reprises de la presse. Le message du président est beaucoup plus diffusé. Comme il y a beaucoup de sujets abordés, c’est plus riche qu’une simple émission télévisuelle.
JOL Press : Quel conseil lui donneriez-vous juste avant sa prestation ?
Jacques Séguéla : Je lui dirais de ne pas penser aux journalistes mais de penser aux Français. Il est face aux Français pas face à la presse.
Propos recueillis par Marine Tertrais
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