lundi 15 septembre 2014

JACQUES SÉGUÉLA : "QUE FRANÇOIS HOLLANDE ARRÊTE DE PARLER!" par GQ


PAR FRÉDÉRIC TADDEÏ

Jacques Séguéla apparaît, souriant, plus bronzé que jamais. S’attend-il à ce que je lui demande de raconter pour la centième fois la rencontre, chez lui, entre Carla Bruni et Nicolas Sarkozy ? Pas de chance ! J’attaque direct sur l’autre histoire qui lui colle à la peau depuis plusieurs années : sa pub pour Rolex. Mais Jacques ne se démonte pas…





Parmi toutes les formules qui ont fait votre fortune, je pensais que vous resteriez comme le père de « la force tranquille ». Et patatras ! Vous êtes devenu l’immortel auteur de « Si on n’a pas de Rolex à 50 ans, c’est qu’on a raté sa vie ».

JS : C’est un slogan donc j’en suis très fier. Au fond, c’est une connerie de papy. Comme celle d’un gosse de 7 ans, tu lui pardonnes, même s’il mérite une petite calotte. Le jour où je vais disparaître, il y aura sur ma tombe une pendulette Rolex avec en épitaphe : « De là où je suis, je ne peux plus rien vous offrir sauf l’heure. » Signé Rolex.
 
Vous avez trouvé LA phrase qu’il ne fallait pas dire. C’est tout un art!

JS : D’autant plus que je l’ai dite pour défendre Nicolas Sarkozy, et au final, ça l’a enterré ! Pourquoi ça a marché ? Parce que c’est un slogan. Après il y a eu deux jugements. D’un côté, les gens de ma caste ne m’ont plus adressé la parole. Les politiques se sont dits : « Ce mec qui donne des leçons de communication à longueur de médias ne sait même pas maîtriser sa parole ! » De l’autre côté, les gens de la rue m’apostrophaient : « Je l’aurai ma Rolex ! » Un mec de banlieue s’en était même tatoué une et m’a dit : « Un jour, je mettrai la vraie par-dessus ! »

Ça en dit long sur notre époque !

JS : Un slogan, c’est une création artistique, une poésie de la rue. « La force tranquille », c’était du poil à gratter, un slogan de droite pour un homme de gauche. La publicité politique n’est pas faite pour convaincre les siens, mais les 10 à 20 % d’hésitants qui peuvent faire la différence. En fait, c’était une affiche pétainiste. La phrase de Rolex, c’est une phrase témoin d’une époque qui a un double complexe avec l’argent : un complexe d’infériorité si on n’en a pas et un complexe de supériorité si on en a. Soit le contraire de la civilisation anglosaxonne ! Je suis latin, je n’envie rien aux autres sauf ce détachement qu’ils ont par rapport à l’argent. Pour eux, c’est un moyen, jamais une fin. Mais c’est facile de parler d’argent quand on en a, donc j’arrête… La vieillesse commence quand les regrets l’emportent sur les rêves. Alors, pas de regrets ! Ça fait partie de moi.

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