samedi 26 mai 2007

Débat Thierry Saussez-Jacques Séguéla, publicitaires

Le Point : Comment doivent se comporter Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, tous deux candidats pour la première fois, durant cette campagne de second tour ?

Thierry Saussez : Il y a trois éléments qui structurent une campagne de second tour. Le premier est qu'ils ne sont désormais plus des candidats parmi tant d'autres, ils sont potentiellement « président de la République ». Ils doivent donc revêtir les habits du chef de l'Etat et s'adresser à l'ensemble des Français, en dépassant leur propre famille politique. Ensuite, il faut absolument entretenir la dynamique du premier tour, ne surtout pas relâcher l'effort, la pression. Ils doivent continuer de labourer le terrain, rencontrer les Français, faire des meetings... Enfin, il est important de consacrer beaucoup de temps à la préparation du débat contradictoire. Car, si on ne gagne pas grâce à la télévision, on ne gagne pas sans elle. D'autant que je ne vois pas un des deux candidats refuser ce face-à-face. L'événement, qui fera exploser les taux d'audience, s'annonce d'ores et déjà spectaculaire.

Jacques Séguéla : C'est une nouvelle campagne qui commence. Après les flirts, les sous-entendus et les ambiguïtés, chacun devra prendre sa décision, faire son choix. Royal doit retrouver l'allégresse qui fut la sienne au moment des primaires socialistes. Elle doit absolument sortir de la campagne consumériste, car, dans cette seconde phase, on choisit un homme ou une femme pour sa hauteur, pour son « idée de la France », comme disait de Gaulle. Pour l'heure, je suis incapable de définir en un mot quelle vision portent nos deux finalistes. Quant à Sarkozy, il devra préparer avec humilité la réunion de tous les Français. Je ne pense pas en revanche qu'il doive absolument revenir à une campagne de terrain qui risquerait de mettre en lumière son caractère agité.

Va-t-on assister, selon vous, à une campagne référendaire « pour ou contre Sarkozy » ?

T. S. : C'est fort probable. Même si je pense que ce qui vaut pour Paris ne vaut pas pour la province. Hors du microcosme francilien, le « tout sauf Sarkozy » n'existe pas. Les anti-Sarko joueront sur ce thème, mais qu'ils sachent que le meneur de bal est depuis le début Jean-Marie Le Pen.

J. S. : On ne gagne pas une élection, mais on la perd. Les Français voteront contre un candidat. Et Ségolène ne suscite aucune haine. Je pense que les « sarkophobes », en revanche, se mobiliseront en masse. Pour s'en convaincre, il suffit de voir dans la rue les affiches du candidat UMP déchirées, vandalisées.

Quelle stratégie doivent-ils appliquer vis-à-vis de François Bayrou ?

T. S. : Sarkozy ne doit rien changer. Il a fait une campagne dans l'ordre. Bayrou, lui, a coagulé trois électorats, un du centre droit, un protestataire et un des déçus de Royal. C'est sa force et sa faiblesse, car il n'est pas dit que ses électeurs suivent sa consigne de vote.

J. S. : Aucune en particulier. Je crois que Bayrou a déjà gagné cette campagne. Si Royal perd le 6 mai, il fondera son parti social-démocrate avec les déçus du PS.

Si, le 1er mai, Jean-Marie Le Pen appelle à voter pour Sarkozy, est-ce, selon vous, le baiser de la mort ?

T. S. : Le Pen n'est pas propriétaire de ses voix et une partie de ses électeurs se portera automatiquement sur Sarkozy. Il parle de donner une consigne pour tenter de nous faire croire qu'il joue encore un rôle dans cette campagne.

J. S. : Je suis persuadé que Le Pen appellera à voter pour le candidat de la droite. Personnellement, je ne l'entends pas dire « chers électeurs, votez selon votre conscience ». Et cette consigne de vote s'avérera être un repoussoir pour de nombreux électeurs.

Un pronostic pour le second tour ?

T. S. : Ce sera très serré. La gauche n'aura pas envie de se faire voler cette élection. Mais, compte tenu des attentes d'une majorité de Français dans beaucoup de domaines, la compétence de Sarkozy l'emportera.

J. S. : Le choix du coeur me pousse à dire Ségolène Royal, par fidélité à François Mitterrand et parce que la France a besoin d'une gauche recomposée, sociale-démocrate. Mais si je laisse parler la raison, je dirais que si Nicolas Sarkozy, pour lequel je ne voterai pas, venait à être élu, il est clair que je ne pleurerais pas...


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