samedi 10 novembre 2012

Préface de Jacques Séguéla pour le livre d'Alexandre Sap



       Il a le charme désarmant des héros de Scott Fitzgerald et la vie entreprenante de ceux d’Arthur Miller, la passion dévorante de la musique et la curiosité ubiquiste de l’innovation : comment cette échappée belle ne l’aurait-elle pas conduite vers les sentes buissonnières de la pub. 

      Alex a le sang des Beatles qui coule dans ses veines, l’électricité de Lady Gaga qui pulse ses neurones, la déglingue stylée de Lou Reed mais méfiez vous de son apparence, son look de bobo cache une âme d’artiste et sa gueule de jet setter un moral de fighter, le mariage ne pouvait être que d’amour. 

       Ne croyez pas que ce portrait pubard veuille caricaturer l’auteur que vous allez découvrir, il est de ces êtres doués donc éclectiques, surs d’eux donc angoissé, qui ne s’épanouissent que dans le défi. Ce livre est ailleurs et autrement. Les essais sur la pub ont déjà tout dit cent fois. Et d’abord les miens, redondant dans leurs hymnes à la créativité envolée et le procès d’un monde financier et cynique et voué à l’autodestruction. Avec Trinity vous allez découvrir la com par l’entrée des artistes, celle de la musique. 


  

       J’ai toujours pensé notre métier hémiplégique. Dans audio visuel il y a audio avant visuel, mais le son reste le parent pauvre de nos campagnes. Lorsqu’un créatif brésilien, américain ou anglais me présente un script, son premier geste est de brancher un CD. Normal son inspiration née d’une chanson, elle rythme ses images, influence ses mots. À l’opposé, lorsque mon interlocuteur est un français, il me raconte une histoire et pour mieux la faire entendre me montre une image. Le son reste le grand oublié. Le spot se tournera et ce n’est qu’au montage que soudain l’on se souciera de l’apport sonore. Dernier maillot de la chaine créative, il ne lui restera que les miettes du budget programmé : Bonjour la musique de stock ! 


     Etrange réaction d’un peuple qui perd la mémoire. Inventeurs de la pub, (merci Charles Havas), nous avons été les premiers à lui donner une culture musicale. Chaque époque a son média, au début des années 20 naquit la radiophonie et aussitôt la pub radio. Havas participera aussitôt à la création de la première radio parisienne Radiola, rebaptisée très vite Radio Paris. Elle en sera l’actionnaire, le fournisseur exclusif d’info (par son agence de presse l’AFP), et de publicité (par sa régie). Révolution médiatique du moment, elle sera le Canal Plus sonore des twenties et des thirties, créant les jeux radiophoniques, lançant jeunes chanteurs, consacrant les talents : de Maurice Chevalier à Fréhel et Charles Trenet : le tout financé, mais surtout, animé par la pub. Ce fut l’époque heureuse de l’invention du jingle, des spots chantés, des minis comédies musicale des feuilletons radiophoniques. Musique et pub ne faisaient qu’un, les slogans se fredonnaient, les marques se chantaient, le son était le maitre de la mémorisation des campagnes. Cette suprématie durera jusqu’à la guerre de 40 qui ne fut pas une « victoire en chantant ». Mais la victoire le fut, et comme tout après guerre brula le passé pour inventer l’avenir. Les images prirent les rennes de la créa par l’affiche interposée, en attendant leur sacralisation par la télé qui en fera son business planétaire. 

     Adieu la ritournelle de la réclame place à l’anschluss de l’hollywoodisation de la publicité qui dure depuis un demi-siècle. Et voici qu’un livre se dresse, tel un poing levé, pour nous rappeler que la musique a retrouvé toute sa place dans notre quotidien sans que nous ne pensions à la remettre au cœur de la pub. 


     L’Alex band, (le groupe est un trio : Alex, Leslie, Fabien) raisonne à l’inverse, il entend mettre la musique en tête de la démarche créative. Voire en faire l’essentiel de la démarche, comme il l’a fait entre autres pour Tommy Hilfiger, Cartier, Louis Vuitton. 

Et ça marche. 

    Rien d’étonnant, la musique est notre espéranto, la seule langue universelle qui ne nécessite ni traduction ni explication. Ce fil rouge qui unit l’âme des peuples du monde et traverse les générations. 

     En ces temps de mondialisation sauvage ou l’universilation de la com se fait nécessité, existe-t-il meilleur ciment communicant ? Hier, le slogan tel la culture, était ce qui restait lorsque nous avions tout oublié. La musique lui a volé le rôle. N’est ce pas elle qui vous fait tourner la tête vers l’écran pub de plus en commercial délaissé. N’est-ce pas elle, qui, dans les cours de récré lance nos spots, de la bouche même des enfants, et donne le tempo du jour. 

     Les idées qui réussissent sont celles, trop évidentes pour que nous ayons daigné nous y intéresser. Et si la musique était l’avenir d’une publicité en mal d’amour ? La publiphobie touche 1 consommateur sur 3. Quel cri d’alarme pour notre profession et notre économie dont la pub, que l’on l’aime ou non, reste le stimulus incontournable. Notre net génération qui s’invente est née avec deux écouteurs en place d’oreilles, les jeunes, branché sur leur Ipod-Iphone-Ipad sont en perfusion continue. Le son coule dans leur veine, ils vivent en stéréo. Qu’attendons nous pour faire de là musique le nouveau pouls de notre communication en mutation. 

     La lecture qui vous attend n’est pas ordinaire. Alex, ce Gatsby le Mirifique, vous entraine, à un rythme endiablé, dans son monde musical, cosmopolite et multiple. Sautant d’une page à l’autre, d’un titre à l’autre, d’une star à l’autre, il vous raconte sa vie en lecture CD. Nulle obligation de suivre l’enchainement des plages, (pardon, des pages), allez où le cœur vous en dit, revenez en arrière, le « rewind» est possible à tout moment. Ce n’est pas un livre mais un album en live, couché, alangui sur le papier. Chemin faisant, il balaye vos idées reçues et vos jugements arrêtés, Alex écrit ce qu’il faut quand il ne faut pas, et ce qu’il ne faut pas quand il faut. L’éclectisme est son instrument d’écriture dans ce concert médiatique assourdissant de la communication en implosion. 

      Il nous chante sa vie plus qu’il nous la raconte en bribes de souvenirs hétéroclites, mêlant Sinatra et Lady Gaga, Julien Clerc et Peter Gabriel, Lou Reed et les Beatles. A chaque rencontre, sa sonorité, à chaque découverte humaine ses réminiscences musicales, et l’accord se fait. Ligne après ligne, son après son, le concert nous rentre dans la peau. 

     Trinity est avant tout une autre façon de penser notre métier, son didactisme se fait symphonie, on se laisse emporter au-delà du réel vers les rives de l’imaginaire et de la passion. Dans ce nouveau monde de l’immatériel, seul antidote à la cruauté et le matérialisme du moment. Un univers où l’émotion remet la raison à sa place, la création renvoie les financiers à leur incapacité, l’innovation terrasse l’immobilisme, le risque triomphe de la peur. 

      La thèse d’Alex a la vie devant soi : en mêlant passion, conversation et émotion il met la pub sur la voie qu’elle n’aurait jamais du quitter, celle de la création pure et du retour à ses sources. Chemin faisant, il enrichit la marque d’un nouveau pouvoir séducteur et rassembleur. Il demande à la musique de lui redonner les ailes du désir que nos temps de crises ont brisé. Hier simple contenants, les voici forcés d’être fournisseurs de contenu. La prolifération des messages, l’éclatement des médias, les force à la reconcentration sur leur ADN. Cette âme publicitaire sans qui elles ne seraient que ce qu’elles sont : de simples produits. Nous assistons à la naissance de la valeur auditive ajoutée leur apporte l’outil de cohérence, rempart face à l’éclatement des médias et des messages. Le son devient l’épine dorsale de leur communication, l’émotion musicale, relevant le gant de la saturation des images. 

L’Alex band va faire carrière en « My way » de la nouvelle pub. 

En avant la musique !

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