Crise de moeurs d’affaire DSK en affaire Marini, crise d’éthique de procès Chiraquien en République des mallettes, crise de foi d’une nation , du doute, de la frustration, de la division, de l’agressivité.
Triste temps, il flotte comme un nuage d’abattement dans les cieux de notre « Douce France ».
Fausse route, le défaitisme est banni des traversées des 40ème rugissants. Ne vainc l’hostilité des éléments que l’équipage qui croit en son destin, son talent, son courage et plus que tout, en l’union de ses forces.
Hélas, notre seul ralliement se fait dans la défiance et son corollaire, la morosité. Nos ancêtres Gaulois étaient pourtant de grands rigolards, s’il faut en croire leur historien, Gosciny, comment avons-nous pu sombrer, à ce point, dans le pessimisme généralisé ?
Notre première enquête mondiale de l’année chez Havas a porté sur la confiance en l’avenir. 65.000 personnes dans 10 pays ont été testés à travers le monde par l’institut BVA, en partenariat avec Gallup. Leurs réponses divisent notre chère terre en deux mondes, les pays émergeants au moral d’acier, et les pays occidentaux à celui en papier de verre. La France décroche la timbale du pire en se classant numéro un au Hit Parade du pessimisme. Un score qui passe l’entendement. L’Irak, L’Afghanistan, le Pakistan, trois pays en guerre se classent en fin de liste et l’Espagne notre voisin tellement plus malmené par la crise que nous est 7ème, l’Italie 10ème. Les pourcentages font frémir, 61% de nos compatriotes voient l’avenir en noir face à une moyenne mondiale de 28%, (22% pour nos voisins les Allemands). Quant aux nations les plus optimistes, le tiercé gagnant est une claque : 1 Vietnam, 2 Nigéria, 3 Ghana. Faut-il donc être communiste, en guerre ou émergent pour être enthousiaste ? Et comment expliquer que la France est le pays préféré de tous les autres pays sauf un : la France. La recommandation de l’enquête reste hélas moins surprenante : l’unique facteur capable d’inverser la tendance, conclut-elle benoitement, est la baisse du chômage et son corollaire, l’augmentation du pouvoir d’achat. Merci du conseil, les analystes restent ce qu’ils sont : des marchands de constatations, pas de solutions.
A mes yeux il existe une cause bien plus profonde, nous sommes programmés à ne pas penser clairement lorsque nous avons peur. Et le Français connaît sa plus grande frayeur collective depuis la dernière guerre. Pas une simple rupture économique, un divorce sociétal, qui le paralyse. Râleur avant d’être penseur, il combat dans un aveuglement obtus, tout et son contraire, voit le pire au lieu de s’intéresser au meilleur, ne s’adonne qu’aux mauvaises nouvelles. Nous voici devenus un vieux pays de vieux … envieux, la vieillesse commence lorsque les regrets l’emportent sur les rêves. Et nous ne rêvons plus.
Suicidaire. Qu’on l’aime ou non, comment ne pas reconnaître à Nicolas Sarkozy d’avoir su maitriser la crise et nous garder du pire : notre faillite. Nos voisins, le Portugal, la Grèce, l’Irlande n’ont pas eu la même chance. L’Espagne et l’Angleterre souffrent deux fois plus que nous. Il serait temps d’ouvrir les yeux. Nous sommes les champions du monde de la productivité (PIB par heure de travail), de l’attrait (pays le plus visité du monde) mais aussi le 3e à attirer le plus d’investissements étrangers. Le premier pour le luxe et dans le peloton de tête pour bon nombre de secteurs, de l’énergie nucléaire à l’agriculture, du spatial à la publicité, du maritime à l’aéronautique (EADS cette année aura réussi à vendre 2 fois plus d’avions que Boeing). En un mot, la cinquième puissance du monde. A entendre nos incessantes jérémiades, le méritons-nous vraiment ? Existe-t-il pour rester à ce niveau d’autre stratégie de gouvernement que celle du réalisme et des réformes. La France est notre chance, ne la gâchons pas. Mais elle restera ce qu’elle est à l’expresse condition d’accepter l’évolution du monde. J’ai voté pour François Mitterrand parce qu’il prônait « les forces de la jeunesse et du mouvement ». J’ai voté Nicolas Sarkozy pour les mêmes raisons. Je n’ai pas changé de camp, c’est mon camp qui, d’archaïsmes en sectarisme, a changé de tempo.
Mais les Français n’en n’ont cure, ils ont passé sa Présidence par pertes et profits pour se vouer à leur culte ancestral de la rouspétance. Ce n’est pas de saison : les crises en rafales nous obligent à changer d’esprit, de méthode, de discours, de style. Il nous faudra partager notre pouvoir comme notre puissance, nos idées comme nos richesses, nos modes de pensées comme nos modes de vie.
S’imposera un autre Moi, un moi plusieurs et paradoxal : volonté d’unité sans laquelle tout se défait, mais quête outrancière d’individualisme. Urgence de croire en une vie meilleure, et d’abord pour ses enfants, mais terreur de ne pas pouvoir payer nos dettes, besoin de protéger notre planète mais oublie d’éradiquer la faim dans le monde, espérance de retrouver les mines d’emploi que l’industrie nous avait offertes au siècle passé, mais difficultés à admettre que l’Asie nous les a confisquées sans idée de retour, nécessité d’être compétitif mais refus de remanier les RTT. Tout et son contraire, une ambigüité nationale qui est dans nos gênes comme dans ceux de notre république.
Obama, très imprudemment, a lancé l’idée d’un nouveau monde. Il y faudra quelques siècles, Dieu lui-même n’y a pas réussi. Chaban-Delmas, en son temps, avait proposé le concept de Nouvelle Société, elle s’est faite sans lui, et pour ainsi dire sans nous, inventée par Bill Gates et Steve Job qui ont digitalisé la planète. Et si, tout simplement, il nous fallait accepter de changer de vie, une ambition plus réaliste que le « Changer la vie » Mitterrandien.
En mai 68, les étudiants révèrent de révolution collective, en 2012, ils rêveront de leur révolution individuelle, mais tout autant partagée. Fin de la lutte collective des classes, place au changement sociétal commun. Même si l’actu et la rue auront toujours des relents insurrectionnels, les études nous prédisent l’envie plus saine, intime et généreuse d’inventer ensemble un autre demain. Les Tunisiens, les Egyptiens, les Libyens n’ont pas d’autre désir, la liberté en prime. Face aux restrictions budgétaires, il nous faudra, pour retrouver ce bonheur de vivre chassé par notre sinistrose endémique, cultiver un nouvel hédonisme rimant avec altruisme : je veux être au mieux de mes potentialités, bien sûr à mon profit, mais pas seulement.
Le « Et moi et moi et moi » des eighties se fera : Et nous et nous et nous.
2 Français sur 3 rêvent de travailler autrement, et même si la moitié d’entre eux veut travailler plus pour gagner plus (le message sarkozien est passé), 1 sur 3 avoue vouloir avant tout se consacrer à sa famille, les autres et surtout lui-même. Le bonheur est désormais dans le près … de chez soi. Il suffit d’aller l’y cueillir. Hélas, nous ne raisonnons qu’en terme de PIB, le roi du Bouthan a, lui, inscrit dans sa constitution le concept de Bonheur National Brut, une définition du niveau de vie en termes plus psychologiques et holistiques que le Produit National Brut. Dans ce petit pays himalayen, le BNP est évalué tous les ans, et donne lieu à une consultation nationale. Et le miracle se fait : les Bouthanais sont heureux. Et nous, qu’attendons nous ?
Comble du paradoxe, à l’encontre de leur sinistrose plus que jamais affichée, les Français se disent heureux à 87% et 20% plus heureux qu’il y a un an malgré la crise, au même titre que les Européens qu’ils soient Espagnols 91%, Anglais 90%, Italiens 79%. Un bonheur qui va decrescendo, avec l’âge mais ne faiblit que très lentement 93% à 20 ans 87% à 50 80% à 70. Alors pourquoi tant de récriminations : la peur. 17% des Français sont pauvres, le chiffre, même s’il est un des plus bas du monde, reste insoutenable mais plus insoutenable encore : 37% de nos concitoyens craignent de sombrer dans la pauvreté, dans les deux ans qui viennent. Plus déroutant encore, les 87% de nos concitoyens se déclarant heureux de leur vie, jugent à 72% que leurs voisins ne le sont pas. Quelle médecine politique nous guérira de cette schizophrénie ? Celle qui se posera les bonnes questions.
En 20 ans, le déclin des grandes utopies a cédé à l’argent, le monopole du bonheur. Le marché nous promettait la félicité, il nous a offert la faillite. Et de réduire, tel le constat d’Edgar Morin, l’homo sapiens, à un homo economicus. Cette campagne Française de 2012 n’en sera pas une, si elle ne met pas l’homme, ses espoirs et ses craintes au cœur du débat. Et si le concept le plus fédérateur était « cette idée neuve » le bonheur. L’argent ne le faisant pas, il reste à la confier à un culte des valeurs et non de la seule valeur marchande. Ces 30 dernières années, notre pouvoir d’achat a doublé, sommes nous deux fois plus heureux ?
A nos présidentiables de s’engager dans une démocratie qualitative et non plus quantitative : citoyenneté, respect, partage, tolérance, altérité sont les vertus porteuses du moment. Le philosophe Philippe Viveret a proposé aux politiques une nouvelle règle de conduite : « être suffisamment bien dans leur peau pour ne pas chercher désespérément dans la toxicomanie du pouvoir, ou de l’argent, un antidote à leur propre mal être ».
Ce réveil est en marche, poussé par le vent non des idées reçues des politiques, mais sur celles souterraines qui germent ici ou là. Les initiatives économiques, écologiques, sociales, sociétales prolifèrent sur le net, et se multiplient dans les cités, dans les foyers, les clubs, les forums, les débats. S’ignorant entre elles, elles règlent les problèmes, chacune dans leur coin, que notre société formatée ne sait plus résoudre. L’administration, les partis, les penseurs, les médias les ignorent. Et si elles représentaient notre chance de vie meilleure. Cette démocratie participative, géniale invention avortée en 2007, faute de constance, de rigueur et de moyens, pourrait être la vraie innovation de 2012. Qui de la droite ou de la gauche saura incarner et inventer une société de partage : partage des valeurs, partage des richesses, partage des avancées avec le pragmatisme et la rigueur, garants de sa faisabilité. Une société juste mais en mouvement, ouverte sur le monde et cooptée par tous. En un mot : une Société Humaine. Quel beau thème de campagne cela serait.
Cette révolution des moeurs ne se fera que dans l’enthousiasme, l’humilité, le changement, l’adaptation au monde. Que les Socialistes se méfient de leur logique doctrinaire et idéologique et abordent les rives de l’économie avec rigueur, leur programme est infinançable, comment les suivre ? Non au bouclier fiscal mais tout autant non au retour aux 35 heures et la retraite à 60 ans. Que la Droite commence par faire son propre ménage, inadmissible disparité des salaires et des revenus de riches de plus en plus riches, de pauvres de plus en plus pauvres, et débute son prochain quinquennat si c’est le sien, par un Grenelle Social en guise de Grenelle de l’Environnement. Les uns et les autres sont-ils capables de nous proposer cette amélioration de notre pouvoir de vie ?
Et nous les citoyens, mobilisons nous pour le seul combat qui compte, celui de retrouver notre capacité d’inventer, notre talent de vivre, notre volonté d’imposer notre différence. En un mot, d’être Français et fiers de l’être. Redevenons Winners.
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