vendredi 24 août 2012

Séguéla : "Plutôt que de taxer les millionnaires à 75 %, il serait plus logique que la publicité reprenne sa place"


INTERVIEW D'ATLANTICO

Jérôme Cahuzac a évoqué la possibilité de réintroduire la publicité sur le service public à partir de 20h00. Un retour en arrière sur l'une des mesures phares de Nicolas Sarkozy...




Atlantico : Trois ans après la suppression de la publicité sur les chaînes publiques à partir de 20h par Nicolas Sarkozy, le ministre du budget, Jérôme Cahuzac, envisage son retour. Peut-on lire dans cette mesure une volonté de la gauche de parachever son "détricotage" des réformes phares de Nicolas Sarkozy ?

Jacques Séguéla : La publicité sur les chaînes est un sujet qui revient régulièrement au cœur du débat politique. La question se pose une nouvelle fois au lendemain de l’élection présidentielle. Je ne pense pas qu’il y ai un acharnement contre Nicolas Sarkozy qui va à l’encontre de l’intérêt public. On ne réussit pas un redressement en contre, on le réussit en pour. Sinon, c’est un retour en arrière perpétuel. Mais je ne pense pas que dans ce cas, c'est le motif principal. Dans tous les cas, ce serait une très bonne réforme.

L’argent de la publicité est-il indispensable aux chaînes publiques ?

Lorsque le projet de supprimer la publicité a été soumis il y a quelques années, je m’y suis opposé car je considère que les chaînes publiques doivent être les chaînes de la différence et il était possible d’atteindre cet objectif sans supprimer totalement la publicité. On voit bien aujourd’hui que l’essai n’a pas été très concluant car le service public télévisuel se porte assez mal. Il n’y a peut-être pas de lien de cause à effet, mais n’est pas inintéressant de le relever.

Plutôt que de taxer les millionnaires à 75 %, ce qui a le double inconvénient d’une part de donner une image catastrophique de la France à l’étranger et de décourager l’initiative, il serait plus logique que la publicité reprenne sa place pour booster le modèle économique. Il ne faut pas qu’elle soit désacralisée par les chaînes publiques et regardée comme quelque chose qu’il faut exterminer.

Je ne suis pas sûr que l’argument de la taxe sur les opérateurs soit la seule raison pour laquelle le gouvernement souhaite revenir sur cette réforme. La première raison est sans doute liée à des considérations financières. En effet, la suppression de la publicité est un réel manque à gagner pour France 2 notamment. De plus, la publicité, quand elle est bonne, fait partie de la culture immédiate car c’est elle qui lance le buzz et qui influence la société. Comme dans le cinéma ou dans la littérature, il y a du bon et du moins bon qui est fait. Mais c’est une erreur pour le service public de s’en priver. Il faudrait plutôt l’utiliser à bon escient.

Il y a aussi un facteur social. En effet, la publicité est le reflet de la vie et quand une chaîne se prive de ce morceau de vie concentré, elle se trompe. Ce qu’il ne faut pas faire, c’est aller trop loin. C’est ce qu’a par exemple fait la télévision américaine qui n’est plus regardable aujourd’hui. La sagesse qu’on peut retenir de la publicité, c’est « trop de pub tue la pub ».

Certains ont dénoncé le fait que la qualité des programmes proposés sur les chaînes publiques ne s’était pas améliorée, alors que c’était le principal objectif du gouvernement. Partagez-vous cette analyse ?

L’argument qui consisterait à dire que la chaîne à dire que la publicité serait responsable de la mauvaise qualité des programmes est complètement ridicule. La meilleure chaîne française est Canal Plus, notamment grâce à la qualité de ses programmes en clair, comme le Grand Journal. Cela n’empêche pas la présence de la publicité sur cette chaîne privée. La publicité fait même partie du spectacle.

Les sondages sont clairs, les Français qui refusent catégoriquement la publicité à la télévision ne sont pas plus de 25%. Par contre, parmi les 75 % restant, 90 % considèrent qu’il y en a trop. Cela ne signifie pas qu’ils n’en veulent pas mais ils souhaitent seulement qu’elle soit proportionnée. 20 à 30 minutes de publicité avant les programmes de première partie de soirée, c’est beaucoup trop. C’est un coup à dégoûter les téléspectateurs.

Le gouvernement prendrait une sage décision en réintroduisant la publicité d’une manière mesurée car nous avons besoin d’argent pour financer le service public et elle sera ravie de venir en aide à la télévision ! Il suffirait de limiter l’espace publicitaire en n’hésitant pas à le faire payer plus cher. Il faut savoir qu’au troisième spot de pub, il y a une chute d’audience qui peut aller jusqu’à 50 %. Par contre, il serait intéressant à mon avis d’autoriser une page de publicité au milieu du JT. On a voulu en faire une messe que l’on n’ose pas désacraliser mais cela a été une erreur, d’autant plus que c’est ce qui est fait dans tous les médias du monde. Adopter un tel système montrerait notre sagesse et notre modernité.

Quels sont les leviers d’action pour améliorer le service public télévisuel français ?

Il faudrait tout d’abord privatiser les chaînes et engager une réforme en profondeur des chaînes publiques. Le service public télévisuel a besoin qu’on lui donne les moyens de faire des programmes de qualité. Les présidents de France télévisions se sont succédés sans que les problèmes soient résolus. Les dysfonctionnements sont les conséquences du système.

En outre, la télévision ce n’est pas LA culture mais TOUTES les cultures. Par exemple, il a été idiot de cracher sur la télé-réalité. Il ne faut pas arrêter de faire des émissions de ce type mais tout simplement mieux les faire. France 2 pourrait très bien s’y essayer en misant tout sur la qualité et redonner ses lettres de noblesse à la télé-réalité.

On peut tout faire avec modération, talent et surtout avec morale.

Propos recueillis Célia Coste

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