vendredi 5 octobre 2012

Séguéla : "L'auto, produit le plus émotionnel"

Le Point.fr 

Par ANTOINE GRENAPIN

"L'Auto et la Publicité", un regard décalé retracé par l'exposition au Mondial sous l'oeil averti de J. Séguéla.


En partenariat avec l'INA (Institut national de l'audiovisuel), le Mondial de l'auto propose dans le hall 8 une exposition multimédia sur l'histoire de la voiture à travers les campagnes publicitaires. Outre des affiches publicitaires, des images animées ou encore des spots de pub emblématiques, cette exposition permet aussi de découvrir une cinquantaine "d'anciennes" comme la Type 15 de Peugeot (1897), la Nervasport ZC4 de Renault (1935) ou encore la Type A de Citroën (1919), resituées dans leur contexte avec les fameuses "réclames". Jacques Séguéla*, publicitaire attitré de Citroën et promoteur de cette exposition, revient pour Auto-Addict sur ce lien charnel entre automobile et publicité.

Auto-Addict : Pourquoi le lien entre la publicité et l'automobile est-il aussi fort?

Jacques Séguéla :   L'automobile fait partie d'un des derniers objets du désir pour le grand public. La publicité n'est ni une marque ni un produit, mais une sorte de "marque-personne" : ce n'est pas pour rien qu'une voiture se nomme DS/déesse ! N'oublions pas que la voiture est le deuxième achat le plus important pour les ménages après les biens immobiliers. L'automobile offre de la liberté et reste un signe extérieur de richesse.
Vous insistez sur la nécessité d'offrir de l'émotion dans la publicité. Cela vaut-il pour la voiture ?

Bien entendu, c'est d'ailleurs le produit porté le plus sur l'émotion, d'autant plus dans le siècle que nous traversons qui est "le siècle de l'émotion". La voiture continue d'emmener ailleurs, de faire rêver. Charger un produit d'émotion n'est pas si aisé : à titre d'exemple, le digital, les téléphones n'ont pas réussi à transmettre de l'affect, de l'émotion.

C'est l'inverse de l'automobile?

Oui, car la voiture, elle vit, elle respire, elle se doit d'être à notre image ou de projeter l'image que l'on a de soi. On veut que l'on nous voie avec, comme un rapport presque sensuel.

La dimension "sensuelle" est si importante?

Je suis souvent allé voir des concessionnaires. Et, malgré le temps, peu de choses changent. Avant, l'homme venait seul ; maintenant, il est accompagné de sa femme. Il commence toujours par peloter l'arrière de la voiture comme s'il s'agissait des fesses de sa maîtresse. La femme, elle, tape l'avant de l'automobile pour voir si c'est solide, résistant. Puis le monsieur va toujours côté conducteur et empoigne le volant comme il le ferait avec les seins de sa femme. Et, elle, elle se regarde dans la petite glace du pare-soleil.

Pourriez-vous refaire aujourd'hui les publicités spectacles pour Citroën qui ont marqué les années 1980 ?

Pourquoi pas... Après, c'est difficile puisqu'il ne faut pas donner l'impression de jeter de l'argent par les fenêtres. Le spectacle se doit d'être au service du produit, sinon ça ne marche pas. À titre d'exemple, quand on fait faire à Claudia Schiffer, en 1998, un crash test, l'effet est détonnant : on confie le visage le plus cher du moment pour tester la fiabilité de la Xsara. Et elle l'a réellement fait, sans trucage. Le rêve doit finir sur une réalité, doit être étayé par le réalisme et la preuve. Vous ne cachez pas votre passion de l'automobile, qui remonte à quelques années déjà.

Après ma thèse de doctorat, je suis parti deux ans faire le tour du monde en 2 CV Citroën, avec un ami de toujours, Jean-Claude Baudot. Nous avions 24 ans. À chaque fois que je pense à Citroën, depuis, je me revois dans ce périple. J'y pense constamment parce que la 2 CV avait 70 ans d'avance.


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