Il est brillant, tourbillonnant, désinvolte et concentré. Il enchaîne les pirouettes comme les années, avec légèreté.
En quelques mots , Jacques donne plus de plaisir que de longs discours. La compétition est pour lui un moteur puissant « Cela me maintient en forme et me permet de penser plus vite, plus loin» , avant d' ajouter dans un souffle « c' est la meilleure façon d' être en contact avec le monde de demain, de mieux imaginer les méandres et contours du futur » . Séguéla n'est pas dupe. Il sait bien qu'il agace parfois , mais s'y complaît, reconnaissant qu' il séduit invariablement. C'est un discret qui ne déteste pas être dans la lumière. Un fils de pub redoutable... au coeur d' or. Un baroudeur de la communication. Fidèle par amitié, visionnaire par talent, intelligent par nature, il déteste les idées préconçues. Il aime faire partager ses avis , surtout s' ils vont à l' encontre de la pensée dominante . Il faut des tripes pour le risque et l' audace. Un rôle qui n'est plus joué par grand monde aujourd'hui où chacun a peur de son ombre. Il assume ses prédictions et ses fulgurantes. Il fonce pour sa longueur d' avance . Il connaît bien le mouvement de progression et d' accélération. L' effet boule de neige indispensable pour gagner...
Le winner « takes all ». Il empoche tout. Malheur au perdant. La vie lui a imprimé sur le corps, autant que dans le mental, sa dynamique, sa personnalité , sa vigueur et son rythme. Il ne mâche pas non plus ses mots pour évoquer la situation de la France et cette espèce d' immobilisme coupable qui paralyse notre pays. « La graine n' a pas été semée par les seuls dirigeants actuels. Le terreau remonte à la Révolution française qui confondait souvent justice et égalité». Et toc, l' homme est ainsi, tranchant avec douceur et direct avec passion. Avec Jacques Séguéla, le succès n' a ni âge, ni frontières, tant il est universel et éternel. La réalité sans images ouatées, l' acuité positive, l' inspiration efficace. Jacques Séguéla a déjà écrit et dit notre époque dans ses livres, il y a trente ans . On attend avec impatience un ouvrage étincelant et impertinent pour nous montrer les années 2050 comme si on y était!
Comment poser des questions à Jacques Séguéla ?
En le laissant parler... Il nous livre sa réflexion et sa mise en garde sur la révolution digitale, « la plus importante aventure depuis l' invention de la communication », à condition d' en fixer les limites.
... INTIMITÉ, EGALITE, FRATERNITE
Il ne tourne pas rond notre monde. En circuit fermé sur ses terres expérimentales, imperméable à l’air du temps, protégé des soubresaut du monde, la science et son complice la technologie cherchent à le guérir de ses maux. Et l’attelage poursuit sa course infinie. Jamais en vain. L’homme a plus inventé ces 3 dernières décennies que depuis son avènement sur la terre il y a plus de 3 millions d’années. Notre futur se construit par bonds d’innovation. Des accélérations qui nous font changer d’air et changer d’ère. Ainsi le Net, si puissant et si fragile.
Je ne m’étendrais pas sur ses dérives dites « criminelles » (72% des Français ont déjà été manipulés, 20% grugés, 10% piratés) mais comment ne pas s’insurger contre une état qui livre, en toute impunité, le média le plus puissant de tous les temps aux calomniateurs, aux escrocs, aux pédophiles, aux terroristes, aux détraqués en tous genre.
A chacun ses combats, je me limite à mon seul petit domaine : la Com. J’ai la chance de vivre les premiers pas de sa 3e révolution. Comment ne pas en être, sans cesser de s’interroger sur Sa finalité. On sait où commencent les révolutions, jamais où elles s’achèvent.
Guttenberg inventa l’ère de la diffusion imprimée de l’information et du savoir. Les Frères Lumière, l’ère de leur propagation en image, Bill Gates, Steve Job et leurs diffuseurs de Google à Youtube, de Linkedin à Twitter, l’ère de son appropriation par tous, pour tous, en tout, partout. L’aventure est relancée, elle ne réussira que si nous savons en fixer les usages et les limites. Le futur appartient à ceux qui, dans ce siècle qui s’ouvre, s’ouvriront eux aussi au monde et aux autres. Le Net nous en donne le pouvoir, mieux il nous en confie les clefs. Quelle chance mais quelle responsabilité ! Le proverbe Persan se réalise enfin : « vous aurez fait un long voyage pour arriver au voyageur ».
Le nouvel âge de notre planète commence, il sera celui des terriens. Salut les Terriens ! La pub va y jouer son rôle, plus en bonimenteuse : en rassembleuse. Plus en matraqueuse : en diffuseuse. Plus en conditionneuse : en interconnecteuse. Accélératrice digitale des pensées, des idées, des échanges, des marques et de leurs produits, elle voit ses pouvoirs se multiplier à l’infini. Et donc ses devoirs dans ce no man’s land libertaire d’une toile sans limite, sans frontière, sans règle, sans sanction.
Nous tenons entre nos mains l’avenir de notre métier, comme chaque terrien le sien propre, soyons en les maitres. Pour ne pas en devenir les esclaves. De toutes les avancées de cette ère digitale, la plus déterminante et irréversible est le passage de la dictature de la communication sans droit de réponse, apanage des siècles passés, à cette démocratie participative qui s’installe. Le consommateur devenu consommacteur a pris la parole, nul ne la lui ravira.
En parallèle de cette explosion médiatique, nous allons vivre le renversement des économies et des populations, l’une ne va pas sans l’autre. L’Asie sera le centre du monde en attendant d’abandonner son titre à l’Afrique, le continent des derniers espoirs. En 2050, la France comptera bien peu avec ses 72 millions d’habitants face au 1,7 milliard de l’Inde, au 1,4 de la Chine. Economiquement nous aurons reculé de la 5e à la 9e place, derrière le Brésil, le Mexique, l’Allemagne et l’Angleterre. Rien de grave si nous gardons notre leadership mondial de l’art de vivre, d’innover, de créer, de produire en l’enrichissant de celui de communiquer. Nous sommes, avec les Anglais et les Américains, les seuls pays se partageant le marché mondial de la publicité, chacun lui imprimant sa touche socio culturelle, agitant dans son sens tendances et modes, marchés et médias, citoyens et internautes. La mondialisation économique soufflera d’Asie, à nous de faire souffler la mondialisation culturelle de France. Nous courons à la standardisation des modes de vie, nous avons déjà imposé notre luxe, notre mode, notre gastronomie, nos vins, sans compter nos centrales, nos Airbus et nos TGV. La Pub en a été l’accélérateur, le Net en devient le réacteur, mettons le au service de notre cause pour le meilleur, pas pour le pire.
Deuxième tentation du siècle : l’ultra libéralisme. Symbole de toutes les inégalités et de tous les excès il n’est pas dans le sens de l’histoire, cessons de le combattre avec de mauvaises armes : le plus d’Etat, le plus d’impôts, le plus de réglementations, le plus de protection. La seule bataille à livrer est celle du capitalisme, puisque « nous n’avons rien inventé de meilleur », mais un Capitalisme de Partage et non de division. Chaque grande crise a puisé sa survie dans sa transmutation. L’invention du salariat a eu raison de la récession de la fin de notre XIXe, la régulation Keynesienne et l’état providence a terrassé celle de 1930, la mondialisation celle de 70, seul la solidarité et le partage nous guérira de celle de 2012. Pourquoi cette nécessaire refondation ne serait-elle pas lancé par notre cher vieux pays ? Inventeur de la révolution sociale ne peut-il pas l’être de la révolution économique et sociale. 80% des Français sont prêts à passer à l’acte, non en voulant moins de riches, mais moins de pauvres. Non avec un état protecteur mais initiateur. Non dans un état castrateur mais créateur. Le Net et son accès universel et égalitaire, en mutualisant les esprits et les pratiques, est le seul en possibilité de débloquer nos craintes et nos replis, nos égos et nos égoïsmes. Et nous entrainer vers ce monde qui est déjà le sien, de l’échange, du partage et de la communauté d’esprit.
La pub, à nouveau, peut y jouer sa partition. Elle le fait déjà en incitant les marques à la générosité, l’une après l’autre elles s’engagent dans la défense des grandes causes, et la lutte contre les grands périls. Une course a l’exemplarité imposée. Les réseaux sociaux veillant au grain, prêts à se mobiliser au moindre dérapage. A la valeur d’usage et d’image qui forgeait une réputation dans les années passées, se joint une obligation de valeur sociale ajoutée. Le hit parade des 100 leaders de « Fortune » montre que les 50 entreprises les plus « responsables » ont réalisé une performance boursière supérieure (+ 16%). Les voici entrées à part entière dans le grand concert de l’économie positive, celle du cœur et pas seulement du portefeuille. Havas la première a crée l’ONG One Young World et rassemble chaque année plusieurs milliers de jeunes leaders porteurs des idées d’avenir afin de les guider dans leur aventure. « Un bien faire et faire le bien » que David Jones décrit dans son opus sur les médias sociaux*.
Ultime danger à éviter, sous peine de dynamiter le système : la dictature de Big Brother. Depuis dix ans la société américaine Intellius nous livre à site ouvert : le tout savoir sur tout individu. Ni mystère de son parcours de vie et son parcours quotidien, ni secret de ses peines et de ses amours.
Les marketeurs y voient l’aubaine de communiquer en direct une offre d’achat spécifique et ciblée sur les lieux même de l’acte, à l’instant crucial où
l’acheteur hésite. Attention danger ! A passer les bornes de la « privacy » nous ne pouvons qu’espérer le retour d’ Orwell et de son 1984.
A ce rythme à mi siècle chaque terrien, tel un chien, sera badgé d’une puce technologique, son visage stocké en banque de données, ses iris scannés, ses empreintes numérisées, sera t-il homme ou déjà robot ? Le portable sera devenu insupportable.
Notre meilleur ami et meilleur ennemi, antidote à la solitude mais espion omniprésent, en direct sur l’info mais mouchard localisant chacun de nos gestes. Facebook nous aura, dès l’enfance, livré corps et âme aux géolocalisateurs du marketing comme de la police. Chaque seconde de notre vie pourra être retenue contre nous.
Nous serons en auto-confession permanente. La science ne sera plus fiction mais réalité. Notre vie privée rendue publique, de vidéosurveillance en vidéo-protection, ne nous appartiendra plus, nous l’aurons donné en offrande publique à Big Brother devenu Big Voyeur et Big Profiteur.
Seul antidote salutaire, créer une Charte des Droits et Devoirs du Net. La liberté est notre droit le plus chèrement acquis. Nous nous devons de la léguer à nos enfants, et nos petits enfants. Notre conscience numérique personnelle se fait plus importante encore que notre conscience écologique collective. Nous acceptons cette dernière en en faisant une priorité, nous ignorons la première en faisant une pénalité.
Cette nouvelle donne planétaire dont les seuls opérateurs seront les terriens eux mêmes, sera le stabilisateur de cette dérive des comportements qui décidera de notre devenir. Mais cette Charte n’aura d’effet que si elle engage chaque internaute, se gardant d’en confier la rédaction et l’application aux états et leur tentation de réinventer la censure. La morale est affaire de volonté, privée, non de pouvoir public. La révolution de la toile est plus culturelle que technologique. Le corps des médias et son stimulateur cardiaque la publicité sont les aiguilleurs de nos comportements. Cette toile, nous en sommes les copropriétaires, il nous appartient d’en fixer la nouvelle culture. Celle de la transparence, sans mener à la destruction de notre moi. Le droit à l’intimité est un droit sacré, chacun se doit de décider en son âme et conscience des limites d’un dévoilement qui l’engage par delà les ans, par de là les frontières.
La conquête de notre liberté n’est plus celle de notre indépendance collective, elle est acquise, mais de notre protection individuelle. A chacun de construire sa bulle intime, la gardant de toute intrusion. Sans intimité, pas d’identité. Sans identité, pas de spécificité. Sans spécificité, pas de créativité. La règle est implacable et pourtant sans cesse violée. La vie n’est pas un reality show mais un jardin secret à n’ouvrir qu’à ceux avec lesquels on se sent en osmose. Tout être doit savoir résister à cette garde à vue digitale sous peine de « fliquer » notre futur et notre âme à jamais. Avec obligation d’instaurer un verrou numérique nous conférant le droit d’effacer tout ce que nous ne voulons pas voir circuler. Notre mémoire nous appartient, restons les seuls décideurs de sa diffusion.
Pas de panique, l’homme a toujours su maitriser le progrès, il saura s’en protéger à nouveau. L’autoprotection se met en marche. Déjà les démissions sur Facebook s’enchainent (30%), 8 membres sur 10 refusent l’utilisation de leurs données intimes à des fins commerciales. Big Facebook n’en a cure, mais pour combien de temps ?
Le système d’auto-défense est simple : entrer en résistance positive, être branché donc multiple mais rester unique, ne révéler de soi que ce que l’on est sur de vouloir diffuser, cultiver le lien électronique mais le compenser par le lien social, le lien familial, le lien filial.
On ne dit pas je t’aime à son fils ou ses filles par sms mais droit dans les yeux, en les serrant dans ses bras. Facebook, Linkedin, Twitter ne sont pas des liens mais des mirages électroniques de liens. Ils sont nécessaires mais pas suffisants à notre bonne santé psychique, et à l’affectio societatis du monde.
Protégé de nous mêmes, par nous mêmes, le net deviendra le régulateur de notre dérive médiatique, le relais salutaire à l’exutoire malsain des médias traditionnels qui nous force à l’agressivité, et non le voyeur d’une société que la peopolisation galopante même à l’exhibitionnisme forcé. La Toile est la plus belle idée depuis l’invention de la Com, au delà de son lieu de savoir, elle est le lieu de coaching ou chacun trouve l’envie et la possibilité de mieux faire, la volonté de mieux-être. Avec elle, grâce à elle, en elle, nous avons la possibilité de créer ce Vivre Ensemble, graal de l’humanité, ne le livrons pas au tout est permis, donc tout est possible, au tout est marchandise donc tout est vente.
L’ère digitale ne réussira sa révolution des mœurs que si elle sait protéger ses adeptes de sa trop grande liberté d’action comme de participation, voire de manipulation. A notre présent d’en décider, traçant ainsi notre futur. Dieu a crée l’univers mais l’homme a inventé le monde. Il a toujours su limiter ses dérives, surfer sur ses courants avançant vers plus de liberté, de félicité, de pensée. Chaque siècle nous voit plus heureux que le précédent. Nos enfants et nos petits-enfants n’ont pas de soucis à se faire. Seule condition, continuer de croire en l’avenir en lui précisant ses contours.
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