vendredi 20 décembre 2013

Pour 20 minutes - Ballon d'Or: «Franck Ribéry utilise le mythe de l'homme neuf comme François Mitterrand», pour Jacques Séguéla


FOOTBALL - Le milieu des Bleus est candidat au Ballon d’Or…


On l’a vu partout. En novembre, Franck Ribéry a multiplié les interviews pour défendre sa candidature au Ballon d’Or, martelant ses arguments et rappelant son palmarès avec le Bayern Munich cette saison. Le 13 janvier, le milieu offensif des Bleus saura si son intense campagne de communication lui aura permis de souffler la distinction à Lionel Messi et Cristiano Ronaldo. Publicitaire et concepteur de la campagne électorale de François Mitterrand en 1981, Jacques Séguéla décrit les techniques de Ribéry.

Peut-on comparer une campagne électorale à une campagne pour le Ballon d’Or ?

Une campagne reste une campagne. Son but est d’amener des gens à voter pour vous. Ce qui la différencie des autres, ce sont les cibles. Dans beaucoup de campagnes, on est sur la grande consommation et un public large. Quand il s’agit du Ballon d’Or, on est plus proches d’une élection sénatoriale où il faut convaincre un nombre limité de personnes d’un cercle défini. C’est une double campagne, de communication et de porte-à-porte avec les intéressés, un peu comme à l’Académie Française où il faut convaincre les académiciens de vous accepter. S’adresser directement à l’électeur par la plus vieille technique du monde, le porte-à-porte, reste important. Barack Obama a été élu grâce à ça en 2008.

Franck Ribéry communique énormément sur son palmarès et ses performances individuelles cette saison. C’est primordial d’avoir un axe de communication dans ces cas-là ?

C’est la base. C’est la première fois de sa vie qu’il a un avantage aussi clair sur ce plan là, il a tout intérêt à le mettre en avant. Il y a un autre point, c’est celui de la rédemption même s’il ne peut pas autant communiquer sur ce point-là pour le Ballon d’Or. Si on s’intéresse à l’humain, ça serait le couronnement d’un homme et d’un champion qui a failli et qui s’est repris.

Il insiste sur l’évolution de sa personnalité et assure qu’il a mûri…

François Mitterrand a aussi utilisé ce mythe de l’homme neuf. Il se présentait pour la troisième fois mais a su incarner le changement en se modernisant avec une campagne publicitaire, c’est le plus bel exemple de ce genre en France. Ribéry a connu une rédemption familiale et sportive, il était tombé dans les bas-fonds des journaux people.


Comment s’attirer les voix de cibles aussi différentes que les journalistes, les joueurs et les sélectionneurs ?


Il doit s’adresser directement à eux. Il a un message central mais il touche ses différentes cibles par les différents aspects de sa personnalité. L’aspect humain pourra plaire aux journalistes sensibles à ces thèmes, là où son palmarès et ses statistiques en séduiront d’autres. Les sélectionneurs pourront eux être plus séduits par le côté meneur d’hommes sur le terrain et l’incroyable qualification des Bleus pour la Coupe du monde.

La concurrence de Cristiano Ronaldo et de Lionel Messi l’oblige à être très présent ?

Il est obligé d’être très présent, les autres sont élus d’avance. Ils s’occupent moins de ce Ballon d’Or, ils sont plus habitués et ont une relation d’enfants gâtés avec ce trophée. On se dit alors : mais pourquoi ce sale gosse qui a changé ne pourrait pas gagner le Ballon d’Or ? Lui, c’est le ballon de sa vie et l’aboutissement d’une carrière. Il est persuadé de son destin. Ça peut décider certains votants qui veulent du sang neuf.

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