Nicolas Sarkozy s'est livré à un exercice des plus périlleux politiquement alors que les pressions judiciaires pèsent de plus en plus sur sa personne. Reste à savoir si l'affaire se transformera en échafaud ou en tremplin pour l'ancien locataire de l’Élysée
Atlantico : L'ancien chef de l'Etat, avec lequel vous avez été amenés à travailler, à accordé une interview télévisée mercredi 2 juillet au soir suite à sa mise en examen pour "trafic d'influence", "corruption active" et "recel de violation du secret professionnel". Qu'avez-vous pensé de sa prestation et que dit-elle de sa stratégie ?
Jacques Séguéla : J'ai pensé qu'il était touché au cœur par l'acharnement politico judiciaire qui dure depuis des mois, il a répondu avec le cœur.
Il a engagé sa parole d'honneur, les yeux dans les yeux avec les Français. J'ai trouvé qu'il était toujours aussi combatif et dans combatif, il y a persuasif. Il était sincère, je ne pense pas que l'on puisse mentir à des millions de personnes dans un moment décisif pour la France. Car c'est la première marche de la reconquête du pouvoir.
Nicolas Sarkozy s'en est davantage pris à la cause politique qu'à la cause judicaire. Il a été convaincant dans tous les arguments qu'il a développés, il n'y a jamais eu la moindre réponse des journalistes qui ne savaient que l'attaquer. Ils n'ont jamais réussi à le pousser dans ses retranchements. C'était une interview qui n'est pas allée au fonds des choses.
Thierry Saussez : Je pense qu'il a donné l'image d'un homme sincère, calme. Je l'ai trouvé d'autant plus sincère que lorsque l'on est au cœur d'une procédure judiciaire, la plupart des avocats et conseillers vous disent qu'il faut d'abord se taire et être très convenable vis-à-vis des juges d'instruction compte tenu du pouvoir qui est le leur. Je crois qu'il a démontré avec la force de ces arguments que cette procédure était grotesque.
Malgré sa mise en examen, comment va-t-il s'y prendre pour tirer son épingle du jeu ?
Jacques Séguéla : Je pense que cette affaire lui offre le momentum du retour. L'élection de 2017 s'est jouée ce soir, en positif ou en négatif. S'il est condamné, il sortira du jeu politique. En revanche, si Nicolas Sarkozy n'est pas condamné, son élection de 2017 sera triomphale. Car ce soir, Nicolas Sarkozy a d'abord parlé aux siens. Et c'est les siens qui comptent car c'est eux qui vont l'élire à la présidence du nouveau parti dans trois mois. Donc, c'est eux qu'il fallait convaincre. Au-delà de cela, beaucoup de Français sont hésitants, dans le doute.
Je crois que c'est un mauvais coup personnel mais c'est un très bon coup pour la France. Cela l'oblige à son retour. Mais cette victimisation outrancière va en faire un nouvel héro. Or, il avait perdu sa stature de héro. L'ensemble de la droite qui le suit fait corps avec lui. Les Français adorent les victimes, ils ont tellement besoin de cela. Les Français ont peur et ils sont paralysés car ils voient la nullité des gens qui les gouvernent. Et Nicolas Sarkozy est le seul à pouvoir sortir la France dans la noirceur dans laquelle elle est.
Thierry Saussez : Je pense qu'il y aura des recours sur les procédures qui ont été mises en œuvre. A commencer par cette procédure absolument stupéfiante des écoutes avec des filets dérivants, des filets que j'appelle délirants. Cette procédure consiste sur une affaire qui s'est passée il y a des années sur le supposé financement de sa campagne par Kadhafi à le mettre sur écoute en se disant que si on ne trouve rien là-dessus, on finira bien par trouver autre chose. Et c'est une menace incroyable sur les libertés individuelles. Et cela concerne tous les Français.
Je ne suis pas sûr que l'on n'arrive pas en fin de compte à une remise en cause de ces écoutes qui font d'ailleurs la totalité de la procédure aujourd'hui. Indépendamment de cela, la deuxième chose que l'on doit retenir de son intervention, c'est évidemment la porte qu'il ouvre à la fin quand il dit qu'il n'est pas homme à renoncer et que face à cette adversité, il va se sentir encore plus mobilisé après la phase de réflexion qu'il s'est donnée.
Et ce qui disqualifie les hommes politiques aux yeux des Français, c'est l'enrichissement personnel dû à la corruption. Pour le reste, on peut toujours considérer que l'on traverse une difficulté, une épreuve mais qu'elle n'est pas rédhibitoire.
Nicolas Sarkozy n'a pourtant pas annoncé clairement son intention de briguer la présidence de l'UMP. Pourquoi attendre la fin du mois d'août pour une annonce officielle ?
Jacques Séguéla : Mais sa candidature est une évidence, cela se voyait dans ses yeux. Il a même eu cette phrase : "est-il normal qu'on poursuive les écoutes sur l'ancien chef de l'État, qui pourra demain avoir des responsabilités d'opposition ?" Il vient de mener le premier round pour reprendre le pouvoir et l'a gagné haut la main. Sans contestation possible. Il l'a dit entre les lignes et il a gagné son pari.
Pour ce qui est d'attendre la fin du mois d'août, il a tout à fait raison de laisser retomber les choses.
Et puis, il ne s'agit pas là d'une déclaration de candidature, il reviendra à la télévision pour exprimer son projet. Pour annoncer son retour qui n'est plus un retour mais une reconquête. Ce qui compte c'est le projet de la reconquête. Et ce soir ce n'était pas le moment de s'exprimer à ce sujet, c'était le moment de remettre les juges à leur place et les socialistes à leur place. La phase deux se déroulera à la fin du mois d'août. A ce moment, je pense qu'il reviendra à la télévision dans un débat plus long, dans une émission de deux heures dans laquelle il expliquera aux Français pourquoi il revient, comment il revient et avec quel projet pour la France, quelle vision pour la France.
Thierry Saussez : Je me suis posé moi-même la question si au point où nous en étions, il ne fallait pas annoncer cette candidature immédiatement. Je pense qu'il faut remettre les choses à plat et démonter l'absurdité de la procédure dont il fait l'objet tout en laissant entendre aux millions d'électeurs qui l'attendent qu'il ne reste plus longtemps à attendre. En termes de stratégie de communication, cela peut tout à fait se comprendre.
A partir de là, quelle pourrait être la prochaine étape pour Nicolas Sarkozy ?
Jacques Séguéla : Ce coup du destin est un coup personnel, c'est un mauvais coup. Mais ce coup du destin lui offre le premier round de son retour. Le feuilleton, ne fait que commencer, il n'y a que la fin que je connaisse, il sera président.
Thierry Saussez : La présidence de l'UMP, ce n'était pas son calendrier, il s'adressait aux Français en général. Mais pour briguer la présidentielle, il peut en appeler également à la mobilisation du premier cercle et de l'UMP et plus largement des électeurs de droite qui très largement lui reste fidèles.
Je pense qu'il n'as pas trop d'inquiétude sur cette question. Dans les enquêtes d'opinion, on voit bien qu'il n'y a que trois personnes qui seraient qualifiées pour le second tour de la présidentielle aujourd'hui : Nicolas Sarkozy, Manuel Valls et Marine Le Pen. Je pense que ce schéma ne sera pas modifié par cette affaire. Au contraire, une situation de crise comme celle-ci conforte plutôt les gens qui militent et qui attendent son retour, c'est-à-dire son noyau dur, celui qui vous qualifie pour être au premier tour de l'élection présidentielle.
Le défi pour Nicolas Sarkozy va être de prendre la présidence de l'UMP. La donne ne changera pas, au contraire, et après il aura deux ans pour s'adresser aux Français pour élargir le cercle et d'ores et déjà préparer le rassembler du second tour d'une élection présidentielle.
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