Le vice-président du groupe Havas a signé la préface de « Play it again », l'ouvrage relatant le parcours professionnel de Moustapha Assad et de Publi-Graphics. Il se raconte à « L'Orient-Le Jour », en marge de la conférence qu'il a donnée hier à l'Alba.
Par Anne-Marie El-HAGE | OLJ
« Je suis venu transmettre ma profession de foi à tous les fils et toutes les filles de la publicité au Liban. » C'est ainsi que le publicitaire français Jacques Séguéla résume à L'Orient-Le Jour sa présence à Beyrouth, où il est l'invité vedette du « First Communication Symposium ». « J'ai retrouvé le Liban que j'ai découvert il y a 62 ans, j'achevais alors le tour du monde en 2CV. » Le vice-président de Havas est visiblement heureux de retrouver le pays du Cèdre, « le seul pays au monde où j'ai l'impression de ne pas avoir quitté la France », dit-il. Un pays qui a réussi à « préserver sa dignité et sa liberté », dont il salue « les valeurs » et « la capacité de résistance aux assauts de la vie et du monde ».
Séguéla ne cache pas son admiration pour les Libanais, pour leur énergie, pour leur optimisme, pour leur joie intense de l'existence. « Les Libanais sont dans l'avion, les autres (les pessimistes) sont en parachute », constate-t-il, en référence à son coup de gueule contre la sinistrose, en France, en mai 2013, dans son livre, Merde à la déprime. À ces Libanais de la publicité, il ne peut s'empêcher de lancer un message inspiré de Jacques Prévert : « Vous êtes cernés par les vautours, soyez des colombes et des aigles, soyez le symbole du Liban qu'on a dévasté, mais qui n'a jamais perdu son âme. »
C'est en fait surtout de passion que le fondateur de RSCG parle aux jeunes publicitaires. De cette passion qui le fait vivre et le fait vibrer lorsqu'il parle de pub, mais aussi de son épouse. De cette passion nécessaire à la créativité, à l'idée, au rêve. De cette passion qui doit les pousser, eux, à oser. « La créativité peut sauver le monde. Après tout, la publicité n'est rien d'autre qu'une machine à créer le rêve. Mais encore faut-il oser », note-t-il.
Jacques Séguéla invite son auditoire à respecter « les sept piliers de la sagesse », autrement dit les règles d'or de la publicité, afin d'être « préparé à la vie de communication », dans le respect des nouvelles exigences du Net. « Oser, imaginer, étonner, rire, durer, muter et enfin aimer, sont essentiels », souligne-t-il. De même, est-il nécessaire de « respecter la cohérence d'une marque », car « les publicitaires sont un peu les architectes des marques ».
Plus beau souvenir, mais aussi un regret
Le plus beau souvenir de sa carrière ? Alors qu'il s'apprête à prendre l'avion pour Londres, à l'issue de sa conférence, Jacques Séguéla se souvient d'un déjeuner à la Maison-Blanche, où il était l'invité du président américain de l'époque, Ronald Reagan, à l'instar d'une quinzaine de représentants de médias français. « C'était trois semaines avant la fin de son mandat. À la fin du déjeuner, chacun de nous a eu droit à une question. Je lui ai demandé quel a été le plus beau jour de sa vie. Il a pris son épouse Nancy par le bras et a quitté la salle à manger de la Maison-Blanche, en me disant : J'emmène Nancy en week-end, finalement, tout commence demain. » Pour le professionnel, « ce message d'une philosophie de vie » ressemblait étrangement à « un spot publicitaire ». Il ressemblait aussi à « l'amour » qui unit Jacques Séguéla et son épouse depuis tant d'années, et qui a donné naissance à cinq enfants.
Des regrets, le publicitaire en a certes aussi, mais pas des tonnes. Le plus grand regret de Jacques Séguéla reste le cuisant échec de la campagne de Lionel Jospin (candidat socialiste) à la présidentielle française de 2002. « Il a perdu à 170 000 voix contre Jacques Chirac. Je m'étais battu pour qu'il participe avec son épouse Sylvie à l'émission Vivement Dimanche du 21 décembre, animée par Michel Drucker. J'étais convaincu que cette émission le montrerait tel qu'il était vraiment, attentif, souriant, aimant. Mais il a refusé. Il voulait être élu pour lui-même et non pour sa vie privée. Les estimations ont montré que cette émission lui aurait rapporté 400 000 voix de plus. Elle aurait pu le faire élire. Elle aurait pu changer le visage de la France. Mais je n'ai pas été assez persuasif. »
Jacques Séguéla n'en demeure pas moins adepte de son leitmotiv de toujours : « La vieillesse commence lorsque les regrets l'emportent sur les rêves. » À 81 ans, celui qui va de l'avant vient juste de publier son 28e livre, Coups de pub.
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