mercredi 9 mars 2016

coup de tonnerre (à l'attention de Mr. Séguéla) - Lettre de Thierry Millet

Bonjour Monsieur Séguéla,

J’ai lu votre dernier livre avec évidemment beaucoup d’attention.
Particulièrement la page 159. Si une seule page de ce recueil avait dû être publiée, c’est bien celle-là. Plus que dans tout autre, les mots que vous maniez si bien sont au service de votre pensée. La description de Lénine figé dans une attente qui n’a plus d’objet, trônant malgré lui au centre de son mausolée tel un sphinx incompris en dépit de la volonté d’Eltsine lui-même, transmet une charge émotionnelle que les meilleurs poèmes envieraient de pouvoir communiquer. L’élévation de la dépouille de Lénine en métaphore de la Nation Russe Communiste est du grand Art, non seulement en tant que démarche intellectuelle, mais surtout pour la sensibilité perceptive qu’elle traduit. Et combien avez-vous raison de conclure ce passage hors norme et hors pair par cet aphorisme redoutable par sa pertinence ainsi que par la réflexion à laquelle il invite sur toute l’étendue des conséquences qui en découle : « L’histoire n’est-elle pas le cimetière de nos rêves enfouis ? »… Enfouis… et « enfuis », serais-je tenté d’ajouter. Alors que l’histoire devrait être ce que bon gré, mal gré, elle est : le berceau des espoirs futurs.
Vous me pardonnerez de persister néanmoins dans l’idée irrécusable que si une seule page de votre livre devait être - et sera - retenue par la postérité, ce sera à coup sûr (… de Pub) celle-là.

L’imprégnation qui s’en dégage est si forte, que je suis étonné que (à ma connaissance) votre esprit créatif ne se soit pas jeté sur le concept pour l’adapter au domaine de la publicité : après tout la mise en scène de l’exposition du corps de Lénine attirant les foules du Monde entier, n’est-ce pas là la marque d’une campagne publicitaire particulièrement efficace et réussie ?
Pourquoi ne pas l’avoir transposé justement dans une campagne publicitaire ? Serait-ce par pudeur, par réserve, y aurait-il des limites de bienséance que le Grand Séguéla lui-même, provocateur libre-penseur et affranchi des règles, s’interdirait de franchir ? A la lecture de votre livre, j’ai quelques raisons d’en douter.
Aussi pourquoi n’ai jamais vu de produit - évidemment « de luxe » (voiture (!), parfum, montre…) - présenté dans un sarcophage de verre posé sur un piédestal sous le feu des projecteurs dans un décor tout simplement somptueux, avec comme baseline « Les Grandes Idées ne meurent jamais ».
Peut-être le rapprochement aurait-il été fait - sous l’impulsion des plus observateurs et des plus perspicaces - avec Lénine, et sans doute cela aurait-il pu générer une polémique bienvenue (pour le produit), que l’on aurait contournée aisément en assurant qu’il s’agissait-là en fait d’une allusion tout à fait innocente au cercueil de Blanche-Neige et à son histoire.
On peut bien sûr se montrer un peu plus « frileux » (ou prudent) et opter pour « Bonnes Idées », « Belles idées », ou encore « Belles réalisations » (selon le produit), plutôt que « Grandes Idées »…

Il y a bien sûr beaucoup d’autres choses à dire sur le reste de votre ouvrage.
J’y reviendrai certainement…

Bien cordialement,

Thierry Millet

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