lundi 12 décembre 2016

Jacques Séguéla sur Castro : "l'icône est devenue la marque mondiale de la guérilla" par le JDD



VERBATIM - Jacques Séguéla, cofondateur de l’agence de communication RSCG, analyse l'imagerie du mythe révolutionnaire Castro.




J’ai découvert la symbolique Fidel à sa naissance. Au printemps 1960, à mi-tour du monde en 2 CV, je débarquais après la traversée de l’Afrique de l’Amérique à La Havane. Le règne du père de la révolution cubaine débutait, et déjà son effigie couvrait les murs de la ville.
«L’histoire de la révolution se vendait en image d’Épinal »

Pas une fenêtre qui n’affiche sa loyauté en drapeaux de fortune, pas un mur qui ne crie "merci Fidel" en dix lettres de goudron. Partout flottait le bonheur des lendemains qui chantent. Et déjà, l’histoire de la révolution se vendait en image d’Épinal au bord des trottoirs.

Les garçons portaient de fausses barbes et les filles des casquettes militaires. La révolution n’avait que quatre semaines. Le rêve entamait sa marche.
Fidel Castro était porté par tout un peuple qui déifiait son libérateur avant même qu’il ne gouverne. Je pensais avec Charles Péguy que "l'espérance est une petite fille qui se lève tous les matins". La fantasmagorie fait de même.

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"N’avait mis la barbe à la mode avec un demi-siècle d’avance ?"

Ainsi vont les mythes : ils naissent des cœurs des peuples et non de la tête des publicitaires ou des designers. Ils sont élémentaires, simples mais pas simplistes, première nécessité pour franchir les frontières. Ils sont simples et emblématiques pour traverser les ans.

Mais les signes ne marquent leur temps que lorsqu’ils donnent un sens à leur siècle et une incarnation à leur créateur.
«Les marques ne rivalisent pas contre l’Histoire»

Chaque trait dessine la légende. Le visage à la fois baroudeur, penseur et jouisseur de Castro mordant son cigare à pleines dents comme il mordait la vie aurait-il eu le même impact s’il n’avait mis la barbe à la mode avec un demi-siècle d’avance ? Et serait-il devenu un des plus oniriques logos humains, rivalisant avec son frère d’armes et de cœur le Che ?

Son fumet : le havane. L’icône se fabriquera par la magie de l’imagerie planétaire. Elle deviendra la marque mondiale de la guérilla.

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Des décennies de pouvoir passeront sous les ponts de l’Histoire. Et voici que Fidel Castro - la vieillesse est un naufrage - change de look. Le battle dress se mue en jogging Adidas. La révolution serait-elle devenue celle de la consommation ? Non, jamais Castro ne portera la marque Nike, symbole des États-Unis. Les marques ne rivalisent pas contre l’Histoire. Il n’y aura pas de Fidel Friday Wear, le treillis restera son habit de lumière, la barbe son auréole, la caquette sa couronne. Merci Fidel.


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