jeudi 3 novembre 2011

Séguéla : En 2012, «il faudra faire de l'anti-bling bling»


LE FIGARO






Jacques Séguéla, vice-président du groupe de communication Havas, en charge de la création dans le monde, auteur du livre Le Pouvoir dans la peau (éd. Plon), est l'invité du Buzz Média Orange-Le Figaro.






Publicitaire français célèbre dans le monde entier, Jacques Séguéla a choisi de consacrer son dix-septième livre -«Le Pouvoir dans la peau»- à la campagne présidentielle qui s'annonce. Assumant sans ambages son parti pris en faveur du candidat sortant -même s'il n'est pas encore déclaré-, le stratège s'adresse directement aux différents prétendants à la fonction suprême, puisant «dans le souvenir de la quinzaine de candidats qu'(il a) accompagnés dans leur victoire». «C'est une somme de tout ce que j'ai pu connaître en 30 ans de communication politique, rafraîchie par un tour du monde des grands ‘‘spin doctors'', de celui d'Obama à celui de Lula, en passant par Dilma Roussef (chef d'Etat brésilienne, Ndlr) et David Cameron puisque Havas -David Jones en tête- a fait sa campagne. J'ai essayé de confronter les vieux préceptes des règles de la campagne politique, dictés par Mitterrand, et de les adapter à ce que sont les campagnes d'aujourd'hui avec l'intrusion du Net, la peoplisation qui change tout, les débats qui prennent un relief différent, et les sondages». Et le cofondateur de l'agence RSCG en 1970 d'oser invoquer son désir «de mettre en garde tous ceux qui aiment la politique pour aller vers plus d'éthique, plus de décryptage, et ne se laisser avoir ni par la politique, ni par les médias. À l'époque, en France, la publicité avait sa part dans la communication politique; elle était d'ailleurs une sorte de contre-pouvoir vis-à-vis de la presse. Aujourd'hui, comme on est la seule démocratie du monde à avoir supprimé la publicité politique -ce qui est une aberration totale-, ce sont la presse et la télévision qui font l'élection et c'est l'Internet qui peut la défaire. J'ai écrit ce livre pour informer les électeurs sur les manipulations auxquelles ils peuvent être soumis. Parce que cela va être une guerre des tranchées terrible», estime celui qui reste aujourd'hui l'un des proches conseillers de Vincent Bolloré, président et premier actionnaire du groupe de communication Havas, sur les questions qui touchent tant à la publicité qu'aux médias.
«Nicolas Sarkozy a déjà changé»

Selon le dernier baromètre du Cevipof, le centre de recherches politiques de Sciences Po, la défiance des Français envers les dirigeants politiques reste forte puisque 52% d'entre eux n'ont confiance ni dans la gauche, ni dans la droite pour gouverner le pays. Quels conseils Jacques Séguéla donnerait-il aux candidats ? «Il faut être simple, vrai, sincère. Il faut être le contraire de ce qu'on a été dans les années 1980: il faut faire de l'anti-Séguéla, s'amuse-t-il. Il faut faire de l'anti-bling bling. Il faut toucher le cœur des Français, laisser le sentiment envahir cette campagne. Il faut lui garder une part de rêve mais il faut bien savoir qu'elle se jouera sur l'addition, sur le caractère (avantage d'ailleurs à Nicolas Sarkozy), sur la crédibilité (terrain sur lequel Hollande bat Sarkozy), sur le rassemblement (avantage à Hollande, Sarkozy ayant besoin de faire le ménage), sur l'empathie (avantage à Hollande, car Sarkozy a autour de lui ce gang de haine qui n'est pas mérité). Le jugement final se fera sur la part de rêve, c'est-à-dire sur cette société qu'il faut inventer. Quel sera celui des deux qui saura entraîner les Français dans un nouveau monde : d'un côté, cette socialisation pure et dure que nous annonce la gauche ou, de l'autre, une croissance sociale ? La droite ne peut réussir que si elle a réussi d'abord à faire la convergence entre la croissance et le partage», assure le publicitaire, auteur du slogan «La Force tranquille» de François Mitterrand en 1981.

«Nos présidentiables vont devoir changer de répertoire sous peine de quitter la scène», prévient dans son nouvel ouvrage Jacques Séguéla, qui rappelle qu'il a déjà travaillé pour vingt présidentielles. Selon le publicitaire, «Nicolas Sarkozy a déjà changé depuis deux ans. Il a été victime du bling bling et l'a payé très cher. Depuis, il a revêtu ses habits de président. Son mariage lui a aussi fait beaucoup de bien ; quand on est un homme aimé, on est un homme plus vrai. Surtout, il est entré dans la pédagogie au lieu de se limiter à l'incantation». « Dans sa dernière émission télévisée, l'une des rares réussies, il a été tel que doit être le candidat président», assure Jacques Séguéla qui a signé son premier livre en 1979 avec «Ne dites pas à ma mère que je suis dans la publicité, elle me croit pianiste dans un bordel».

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